Cambarellus patzuarensis teteDe nombreuses espèces d’écrevisses sont présentes dans le hobby de l’aquariophilie. Nous écarterons ici les espèces marines. Dans le commerce ou dans les bourses de clubs, certaines espèces sont proposées alors qu’elles ne devraient pas l’être.

Outre les espèces interdites, les espèces potentiellement invasives et celles autochtones protégées, plusieurs espèces, notamment américaines ou australiennes, sont parfois proposées. Quant aux crabes dits « d’eau douce » terrestre, ils n’ont jamais réellement trouvé le chemin vers la mer, surtout pour se reproduire. Il s’agit là de bestioles rampantes (Reptentia) contrairement aux crevettes qui sont des nageuses (Natantia).

Orconectes limosusÉcrevisses américaines
Parmi les écrevisses américaines plusieurs espèces, sur 300 de la sous-famille des cambarinés, sont connues en aquariophilie. L’écrevisse de rivière américaine Orconectes limosus, qui atteint environ 12 centimètres de longueur, a même été relâchée dans le milieu naturel français en1889 pour devenir largement invasive dans les rivières et canaux ainsi que dans tous les plans d’eau. Les espèces rustiques peuvent être maintenues en bassin de jardin et en aquarium d’eau froide (non chauffé). La température de l'eau en été pourra monter et dépasser 25 °C. Les écrevisses apprécient l'eau dure avec un pH élevé (supérieur à 7,2), dans un aquarium aménagé en étage avec du sable fin, une eau bien filtrée et de nombreuses cachettes (ou refuges).

Orconectes limosus peut être confondue avec l’écrevisse de Cuba (Procambarus cubensis), mais elle est plus grande. Elle est reconnaissable à sa carapace verruqueuse rougeâtre avec des taches transversales brunes sur l'abdomen. Cependant, les écrevisses sont en mesure d'adapter la couleur de l'arrière-plan au substrat. La qualité de la nutrition a également une forte influence sur la coloration.
Dans l'aquarium, le régime alimentaire des écrevisses n'est pas difficile à assumer. Ce sont des charognardes par nature. Elles se nourrissent avidement de chair de poisson ou de crustacés, ou encore des comprimés alimentaires spécifiques ainsi que de nourriture de remplacement congelée (Mysis, larves de moustiques, surimis, etc.). Elles dévorent goulûment les légumes (laitue surgelée, épinards, choux de Bruxelles), mais il faut aussi leur offrir les aliments avec lesquels elles peuvent reconstruire leurs carapaces après la mue comme des têtes de crevette, du poisson avec écailles et arêtes.

Procambarus sp MarmorLes rapports de reproduction réussie en aquarium sont extrêmement rares, mais elle est possible. Dans la nature, l’accouplement a lieu à la fin de l’automne ou de début avril à mai. Les mâles s’accrochent à leur partenaire grâce à des crochets situés sur les pattes. Les œufs fécondés, au nombre de 100 à 300, parfois 400, sont fixés au « ventre » de la femelle pendant environ cinq semaines jusqu'à l'éclosion des larves. Ces dernières sont ensuite transportées par la mère jusqu’à une métamorphose des petites écrevisses qui, éventuellement, commencent une vie indépendante.

De temps en temps, l’écrevisse de Californie (Pacifastacus leniusculus) est importée, mais on en trouve dans nos eaux depuis les années 1970. Elle est considérée comme invasive, mais pas interdite. On l’appelle aussi écrevisse signal pour sa grande pince rouge. La nourriture est 90 % végétale pour les adultes. Le mâle est à maturité sexuelle à 1 an et demi, les femelles à 2 ans. La maturation des œufs est de 70 jours. La température de maintenance ne devrait pas dépasser 15 °C.
Procambarus cubensis a une taille plus petite avec environ 10 centimètres de long. La robe est assez changeante et uniformément colorée. Les jeunes écrevisses sont bleues-ciel, les spécimens de taille moyenne généralement totalement marron à gris bleu ou gris-brun. Elle dispose de deux bosses en bande (nœuds postorbitaire) derrière le renflement des yeux, un rostre court et des pinces pointues et minces.

L'agressivité des écrevisses a des limites. Tout d'abord, tout le monde se bat contre tout le monde, mais une fois que les refuges résidentiels sont distribués, les échauffourées cessent. Le refuge est un endroit stratégique. Les écrevisses construisent une sorte de digue avec du sable, des cailloux et même des morceaux de bois devant leur refuge par-dessus laquelle elles peuvent à peine voir à l'extérieur. En dehors de leurs grottes, elles sont menaçantes en brandissant leurs pinces. L’animal le plus faible quitte le terrain sans combattre. Si toutefois le combat a lieu, la plus faible est souvent projetée sur le dos. Les écrevisses fuient souvent en une course en zigzag très rapide. Il est bien connu que les femelles écrevisses de taille supérieure au mâle ne fuient pas et sont en mesure de bloquer les attaques ou les avances du mâle.
Chez les mâles, l'abdomen est plus mince et donc les pinces apparaissent plus grandes ce qui est un bon caractère de distinguo. Les premiers et seconds pléopodes du mâle forment une sorte de « membres angulaire » (petasma) dirigés vers l'avant en deux branches. Ils sont utilisés pour transférer le sperme aux femelles, qui, entre les pattes, possèdent une plaque en forme de disque ovale, d’un diamètre de 2 à 3 millimètres « l’annulus ventralis » qui n’est pas perceptible chez le mâle.

Astacus astacus dessousL'accouplement a souvent lieu après un changement d’eau. Le mâle saisit la femelle et la renverse sur le dos. La femelle a signalé auparavant, par une posture tétanisée, qu’elle était prête pour l’accouplement. Au cours de ce dernier, qui dure environ 10 minutes, les animaux sont complètement calmes puis se séparent sans autre attention.
Les œufs circulaires ont un diamètre d'environ 1,5 à 2,0 mm et forment des grappes de différentes tailles fermement maintenues sous l'abdomen. Pendant les jours suivants, la femelle va probablement en perdre quelques-uns. Les œufs sont d'abord gris-vert, puis brun foncé, avec un haut lumineux au deuxième ou troisième jour.
La femelle ventile les œufs à l’aide de ses « pieds avant » palmés. Pour un développement optimal des œufs, un environnement riche en oxygène est important. De plus, la future mère aime se cacher et ne mange plus. Elle remangera lorsqu’elle sera à nouveau avec les autres écrevisses. Au bout de 14 jours, les premières écrevisses juvéniles s’accrochent à l'abdomen de la mère. La durée d’éclosion et de développement à 26 °C est de 17 jours, à 20 à 22 °C elle est de 25 jours. Pour le reste, il faudra encore trois à quatre jours, pendant lesquels elle ne mange pas, avant que tous les jeunes abandonnent leur mère. La taille des jeunes écrevisses est maintenant d’environ trois millimètres. Leur élevage est facile dans tous les cas. Comme les jeunes ne mangent pas de légumes au début, l’idéal est de leur offrir des nauplii d’artémias qu’ils attrapent facilement. Lorsqu’ils se nourrissent, on voit clairement la nourriture orange avancer dans le corps. Les microvers, Cyclops et vers Grindal peuvent également servir de nourriture. Les jeunes écrevisses doivent constamment être entourées de nourriture. La croissance est rapide, quelques individus muent rapidement et il n’est pas possible d’offrir assez de cachettes, de sorte qu’il est très difficile d’empêcher entièrement le cannibalisme. Après environ quatre semaines, les jeunes écrevisses atteignent deux centimètres et sont déjà légèrement bleues.

Procambarus clarkii bleueProcambarus clarkii rouge RProcambarus clarkii, ou écrevisse de Louisiane, est maintenue par certains aquariophiles bien qu’elle soit interdite à la vente et au transport vivant. L’espèce existe en plusieurs morphes, rouge le plus courant, brun et bleu. Cette espèce est plus difficile à élever, Avec une taille de 21 cm adulte, il sera difficile de maintenir correctement ces écrevisses dans de bonnes conditions. Lorsque les subadultes se développent il y a de nombreuses bagarres et avec le temps, ils revendiquent de grands territoires. Après quelques temps, il ne reste qu’un grand individu. Il est possible de maintenir les adultes avec des poissons d’une certaine taille, taille qui doit être adéquate pour que les écrevisses ne les capturent pas mais qu’elles ne se fassent pas dévorer elle-même lors de la mue.

Procambarus alleni RProcambarus alleni, originaire de Floride, a été importée en Europe début des années 1990. C’est une écrevisse de 15 cm de long. La femelle se distingue par des pinces plus petites. Les deux sexes sont uniformément bleus. C’est une espèce omnivore assez vorace qiu, si elle n’est pas suffisamment nourrie, s’attaquera aux petits poissons. Elle mange de tout, pastilles, flocons, végétaux, chair de poisson, etc. Certains aquariophiles la maintiennent en bac spécifique. Mais comme dit précédemment, si le bac est assez grand et que l’écrevisse est correctement nourrie, la cohabitation avec d’autres animaux est possible.

Cambarellus patzuarensisCambarellus moctezumae Rio Tamesi RLes écrevisses naines américaines appartiennent à la sous-famille des cambarellinés et comptent 18 espèces, par exemple Cambarellus patzuarensis dont il existe les formes grise, orange et chocolat et Cambarellus moctezumae brune ou blanche.
Ce sont de petites écrevisses qui ne dépassent pas 5 à 6 cm de long. Elles peuvent parfaitement cohabiter dans des aquariums communautaires à condition que les poissons ne soient pas des prédateurs et qu’elles aient suffisamment de refuges constitués de pots de fleurs ou de noix de coco.
Malheureusement, ces espèces supportent mal le transport et sont souvent proposées mutilées au niveau des pinces, des antennes voire des pattes. Ces organes seront remplacés à la mue suivante mais l’individu blessé doit être maintenu seul en attendant. Si l’eau est trop douce, il y a possibilité d’ajouter 2 g. de sel par litre. Attention la fertilisation avec des suppléments de fer ne semble pas tolérée par les écrevisses.

Écrevisses australiennes et guinéennes
On pense toujours que l’Australie est le paradis des écrevisses, car on retrouve toujours dans la littérature qu’il existe plus d’une centaine d’écrevisses endémiques dans les eaux limpides des rivières et des lacs de ce pays.
Certaines espèces sont véritablement géantes et atteignent 60 cm, alors que d’autres ne dépassent pas 20 mm et sont particulièrement colorées.

L’espèce la plus connue est incontestablement Cherax destructor (le destructeur) ou écrevisse de Murray ou Yabby, qui, dans sa patrie, est protégée. Mais elle peut être élevée et exportée pour les gourmets. L’espèce atteint 20 cm mais elle est nettement moins agressive que Procambarus clarkii par exemple. En Australie, elle vit dans la région de Victoria, aussi bien en altitude près des neiges que dans les régions arides. Mais aussi au centre de l’Australie où l’espèce s’enterre en attendant la pluie.
Cherax holthuisi RLa plupart des spécimens du commerce sont mutilés, mais retrouvent tous leurs membres lors de la mue suivante. Ces écrevisses sont bleu clair, avec des pattes et leurs jointures rouges. Mais il n’y a pas de robe uniforme, elle est assez variable selon les individus. On trouve des animaux blancs et bleus et d'autres qui sont bleu pâle ou foncés. D'autres encore sont presque bruns sur le dos et sur la queue. Les pinces sont bleu foncé avec un motif au sommet. Avec la mue, cette coloration peut changer.
Cherax quadricarinatus est une seconde espèce bleue d’Australie. Dans la littérature, elle apparaît sous le faux nom Ch. tenuimanus (à petite main = pattes). Mais cette espèce est marron et non bleue, car dans son pays d’origine elle est appelée « the marron ». Ch. tenuimanus, a même été appelée Ch. plebejus, mais cette dernière écrevisse est noire et très proche de Ch. Preissi. La différence est très ténue. Nous avons encore une écrevisse orange (Cherax holthuisi) du lac Aitinjo dans la péninsule de Doberai territoire indonésien (Irian Jaya).

Cherax lorentzi RCherax quadricarinatus vit dans le Nord-Est de l'Australie, dans l'Est de la Terre d'Arnhem, dans le golfe Diemen, mais aussi plus à l'Est dans les eaux qui se jettent dans le golfe de Carpentarie. À l'exception d'un petit morceau de l'Est et l'ensemble de la péninsule du Cap York, ces spécimens appartiennent à la forme naturelle de ces écrevisses. Elles ont été exportées dans le Sud du Queensland et dans le Nord-Est de la Nouvelle-Galles du Sud.
Cherax quadricarinatus est plus mince que le Ch. drestructor et a des pinces beaucoup plus étroites. La couleur de fond, bleu, peut varier du vert-bleu au brun et dans certains endroits être bleu clair. Le dos et la queue sont tachetés de jaune ou brun, en particulier chez les femelles. Chez les mâles, les bords extérieurs des deux pinces portent chacun une tache rouge vif, distinctive, allongée. C’est pourquoi l’espèce est appelée dans son pays d'origine « Red Claw » (« pince rouge »). La taille est de 20 centimètres. L’espèce n’est pas agressive envers les congénères et ne peut cohabiter avec des poissons trop petits.

Cherax misolicus RLes espèces du genre Cherax ne sont pas des écrevisses exigeantes, mais elles ont besoin de chaleur, de sorte que l'on devrait les maintenir entre 25 °C et 28 °C. A ces températures, les animaux ont une croissance très rapide et atteignent leur maturité sexuelle au cours du quatrième mois. La forme du « gonopode » n’est pas la même que chez Procambarus ce qui rend le sexage ici plus difficile. Cependant, vu du dessous, on peut distinguer les deux ouvertures à la base de la quatrième paire de pattes chez le mâle Cherax. Elles sont beaucoup plus petites que celles des femelles, chez lesquelles ils se trouvent à la base de la seconde paire de patte.
Les Cherax peuvent être reproduits. L’accouplement et la fertilisation sont similaires aux Procambarus. La femelle est projetée sur le dos et le sperme est fixé par paquet entre les pattes arrière. Après quelques heures, les femelles pondent de 100 à 300 œufs gris foncé d’un diamètre d'environ deux millimètres. Plus tard, les œufs se gonflent et deviennent transparents, de sorte que l'on peut suivre le développement des jeunes écrevisses. Le temps de développement est de 21 jours à 25 °C. Les juvéniles éclos prennent immédiatement toute sorte de nourriture, mais le cannibalisme est ici assez élevé. À dix mois, elles atteignent environ 9 à 10 cm.


 R. Allgayer, Mastère et conseiller scientifique de la Fédération Française d'Aquariophilie
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