henlei 03Les raies sont bien connues en mer, petites ou géantes (manta), à décharge électrique (torpilles) ou à aiguillon (pastenagues), les hommes s'en sont toujours méfiés avec raison.

orbignyi1En aquariophilie, elles sont aujourd’hui rarement maintenues, car la législation est maintenant très restrictive. Parmi elles, la « pastenague mouchetée », Taeniura lymma aux taches bleu-clair. Mais, du bassin amazonien, nous viennent également des raies appartenant au groupe des pastenagues d'eau douce.

Aperçu systématique
Classe des Élasmobranches
Ordre des Myliobatiformes
Les raies d’eau douce appartiennent à la famille des Potamotrygonidae avec deux sous familles : Potamotrygoninae et les Stryacurinae.
henlei 03La famille regroupe 56 taxa nominaux et 36 espèces valides :
   * Potamotrygon Garmann, 1877 : 30 espèces ;
   * Plesiotrygon : 2 espèces ;
   * Styracura : 2 espèces ;
   * Paratrygon : 1 espèce :
   * Elipesurus : 1 espèce Elipesurus spinicauda en « incertae sedis »

Répartition géographique
Leur répartition géographique est assez large : Orénoque, Amazone, Para, Paraguay et tous les fleuves tributaires de ces grands bassins hydrographiques sud-américains.

motore 1942 pterigopode copie 7En milieu naturel, leur présence, en grand nombre, à faible profondeur, représente un réel danger pour les indigènes qui les craignent plus que les Piranhas. Ces raies sont dotées d'un aiguillon venimeux sur le dessus du pédoncule caudal lequel est mis en œuvre en guise de réaction de défense. Leur extrême homochromie, et leur faculté de camouflage en se couvrant de vase ou de sable, leur permet de passer inaperçues. Les indigènes utilisent souvent un bâton avec lequel ils piquent le fond de l'eau avant de s'y aventurer à pied.

Morphologie
Le corps de ces raies est uni avec des nageoires pectorales formant un disque duquel émerge une queue en forme de fouet.

La tête fusionnée avec le corps porte les yeux mobiles sur des pédicules proéminents. Immédiatement derrière les yeux se trouvent les évents d'où est expulsée l'eau ayant traversé les branchies. Ces deux dispositifs anatomiques permettent à la raie de s'enterrer tout en gardant ses facultés respiratoires et d'éveil.

motore épine1La partie ventrale est blanc-uni, la bouche est en position transversale. Les fentes branchiales, un peu plus en retrait de chaque côté de l'axe central du corps.

La crète de la queue, avant l'aiguillon, est surmontée d'excroissances dermiques (ostéodentine) en forme d'épine au nombre et taille variables selon l'espèce. Ces excroissances acérées sont de tailles supérieures chez P. motoro.

L'aiguillon est située très en arrière, son extrémité atteint presque celui de la queue. La taille adulte de ces raies est de 30 à 40 cm ; 50 à 60 cm avec la queue, les plus grandes, comme P. leopoldi, pourront atteindre 120 cm.

La peau de ces raies est rugueuse un peu comme de la toile émeri grossière. Le ventre est lisse.

Le mâle possède deux organes copulateurs formés au détriment des nageoires pelviennes appelés ptérygopodes, qui, suivant le genre, forme une gouttière ou un canal spermatique fermé. Les deux pterygopodes, ou un seul, peut (vent) être introduit (s) dans l'oviducte (utérus) au moment de l'accouplement avec la femelle. Ce sont des vivipares aplacentaire.

épineavec durite1Maintenance en captivité.
La maintenance en aquarium des raies nécessite impérativement une grande surface plane et une couche de sable fin d'au moins 5 cm d'épaisseur. Ces exigences sont dictées d'une part par la morphologie des espèces, et d'autre part par leurs mœurs et tactiques de chasse. Il va de soi que le bac spécifique semble être la meilleure solution pour l'aquariophile et la raie. La hauteur d'eau pourra être relativement faible, minimum 30 cm, afin d'avantager la largeur et la longueur du bac. Les « obstacles » naturels, comme des roches ou des racines de tourbières, ne sont pas très appréciés. Il faut que la raie puisse se poser à plat selon son désir, sans avoir à replier sa queue. La longueur du bac devra donc avoir au minimum 150 cm et 50 cm de large pour une petite espèce.

Afin d'agrémenter ce genre de bac qui pourra paraitre austère, il sera possible de planter le pourtour, même avec des espèces fragiles comme Myriophyllum ou Cabomba. Ces plantes risquent toutefois de temps à autre de se faire recouvrir momentanément. Les plantes flottantes sont idéales pour ce genre de bac spécifique. Elles auront encore le mérite d'atténuer l'intensité lumineuse, car les raies n'apprécient pas trop la lumière vive.

Les raies d'eau douce sont carnivores et ne s'attaquent donc pas à la plantation. Si vous avez un doute au sujet de l'agencement de l'aquarium, un bac nu avec un peu de gravier pourra faire l'affaire en attendant votre décision définitive au sujet du décor. C'est de cette façon qu'elles sont maintenues chez les importateurs.

motoro 9Les raies, en fait, se recouvrent de substrat en pelletant de chaque côté avec le bord de la nageoire. Ainsi elles soulèvent le sable pour le projeter sur elles. Cela provoque un soulèvement conséquent de particules qui pourront rester longtemps en suspension si la filtration et les siphonnages sont particulièrement négligés. Les raies apprécient tout particulièrement un courant d'eau léger mais continu, près de la surface du substrat. C'est pourquoi le rejet d'eau devra être dirigé vers le fond, l'une des glaces latérales faisant office de déflecteur. Il est évident, également, que la filtration sous sable est ici totalement exclue. La raie est capable de dégager de grande surface de substrat jusqu'à la dalle de fond du bac.

Surtout ne pas hésiter à surdimensionner l'aquarium. J'ai vu une raie toucher les bords de l'aquarium avec ses nageoires, dans un aquarium public, ce qui est inadmissible.

Les poissons de fond à épine (s) comme les Corydoras ou Brochis représentent un réel danger pour la raie. Son instinct de chasse la pousse à recouvrir ces proies pour les capturer, mais ceux-ci dressent leurs épines et infligent des blessures plus ou moins importantes sur la face ventrale.

Cependant les raies comprennent très rapidement que les Callichthyidés et les Loricariidés sont un menu difficile à s'approprier. Par contre, les Tétras, malgré leur vélocité, peuvent être capturés par enveloppement des nageoires et aspiration simultanée par la bouche, et ce en pleine eau.

EventLes soins à la qualité de l'eau doivent être extrêmes. Originaires d'Amérique du Sud, et malgré leur déviance marine, elles nécessitent lors de leur maintenance une eau douce et acide (pH 6,5-7,0 ; 5° à 12° THf, max : 500 µS/cm2). Les nitrates en grandes quantités les affectent tout particulièrement, ainsi que les substances chimiques utilisées lors des traitements contre les parasitoses. Les doses courantes utilisées, (sulfate de cuivre, permanganate de potassium, oxalate de malachite) avec un mauvais brassage pourront atteindre ou dépasser la dose létale par stagnation (effet de densité) dans le tiers inférieur du bac. Quant aux nitrates, le taux maximum 80 ppm ne devrait pas être dépassé, mais la marge est parfois très étroite quand l'eau du robinet atteint déjà, à sa sortie, 50 ppm. Température de l'eau 23-25 °C.

La raie capture sa proie en la recouvrant. Ainsi elle apprécie tout particulièrement les amas de tubifex, bien dégorgés, tombés sur le substrat, ou les vers de vase congelés, qui, après décongélation, se répartissent sur le fond. Les moules et la chair de poisson sont aussi consommées. Ne pas donner de nourriture d'origine homéotherme. La raie recherche également des particules comestibles contenues dans le substrat. Dans ce cas elle « souffle » un courant d'eau à travers la bouche ou brasse le substrat avec les nageoires.

Reproduction
La reproduction ne sont plus rares en captivité chez les amateurs. Des naissances ont eu lieu régulièrement mais il s'agit la plupart du temps de femelles « gravides » déjà fécondées en milieu naturel. Ces raies sont vivipares aplacentaires, les jeunes sont expulsés de l'utérus après développement embryonnaire, à travers le cloaque. L'accouplement est similaire à celui des espèces marines. La gestation est d'environ 100 jours et les femelles les plus grandes peuvent avoir une portée de 5 à 7 juvéniles d'une taille de 10 à 15 cm de diamètre. À noter que les raies s'hybrident, et il est parfois difficile de situer la lignée paternelle.

schroederi glas11Arme de défense
Comme pour certaines espèces marines armées de défense constituée d'épines ou aiguillons dotés de glande à venin, les raies d'eau douce sont toutes aussi dangereuses.

Leur aiguillon dentelé occasionne une sérieuse blessure entraînant des complications par injection de produits protéiques d'origine animale. Il convient de consulter rapidement un médecin. L'aiguillon est renouvelé deux à trois fois par an. Lors d'une manipulation dans l'aquarium, il convient de vérifier avec précision la position de la raie, et le cas échéant la faire se déplacer à l'aide d'une baguette en tapotant légèrement le bord du disque ou la base de la queue.

Le transport également doit s'effectuer avec prudence. L'épuisette sera de préférence évitée, souvent trop petite. La sortie de son milieu naturel provoque chez la raie de furieux « coups de queue » de part et d'autre. Il sera plus prudent de capturer une raie d'eau douce ou marine à l'aide d'un baquet rectangulaire (P.V.C. ou autre, caisse polystyrène coupée à 10 cm de haut …), de faible hauteur d'eau. La raie sera forcée à l'aide d'une baguette à se coucher dans la barquette et ce dans l'aquarium. Une barquette identique, un couvercle de caisse polystyrène, ou une simple vitre, sera utilisée comme couvercle afin de prélever la raie du bac en toute sécurité. Plus prudent encore, lorsque la raie est immobilisée, enfiler une durite adaptée au diamètre de l'aiguillon par-dessus celui-ci.

reticulatus ventreLe transport proprement dit se fait en caisse polystyrène et sac poubelle (50-80 litres). Un spécimen par caisse afin que la raie puisse s'étaler correctement à plat au fond du sac, ce dernier calé par les parois de la caisse. L'on peut également essayer de faire rentrer directement la raie dans le sac poubelle, celui-ci résiste à une charge d'une dizaine de litres d'eau, mais pas à l'aiguillon, ni aux « épines » caudales de la raie. C'est à la caisse polystyrène que revient la charge d'assurer la sécurité et l'étanchéité lors du transport. De façon identique sont transportés les gros spécimens (cichlidés, anguilles électriques, protoptères, petits requins ; etc.).

Règlementation
Les raies d'eau douce, tout comme les marines sont classées dangereuses (Arrêté du 21 novembre 1997). L'aquariophile devra faire une demande de certificat de capacité d'élevage d'agrément et une autorisation d'ouverture d'établissement (AOE), les DDCSPP pourront fournir un canevas de dossier. Il ne pourra céder de jeunes raies de son élevage qu'à un autre amateur ayant déjà un certificat de capacité.

Je connais personnellement bon nombre d'aquariophiles qui ont maintenu des raies sans se faire piquer dans leur aquarium, il est vrai que les passionnés ne se promènent pas non plus dans leur bac. Par contre, des amateurs se sont fait piquer en milieu naturel, notamment Guyane lors de pêches aquariophiles


 Bibliographie
Dumeril, A. H. A. ; Histoire naturelle des poissons ou Ichthyologie générale. Vol. 1 et Atlas 1865-1870 Paris.
Garman, S. (1877) On the Pelvis and Externa Sexuel Organs of Selachians, With Especial Reference to the New Genera Potamotrygon and Discus. Proc. Boston Soc. Nat. Hist. 19: 197-215.
Larson, E. & al. Animal Toxins. 1966, Atlantic City; NJ/USA
Lagraulet, J. Piqures par les Synancées : clinique, traitements et conclusions : Aquarama 10 (35): 44.
Pinter, H. (1981) Poissons venimeux et venins de poissons. Aquarama 15 (59): 74-76.
Teton, J. (1976) A propos des poissons vénéneux et venimeux. Aquarama 10 (35) : 41-43.
Teton, J. (1981) Taeniura lymma: Une créature splendide de la nature qui possède une redoutable arme défensive: part. I Aquarama 15 (62): 26-29, part. Il Aquarama 16 (63) : 26-29.


Texte et photos : Robert ALLGAYER
1er vice-Président et Conseiller scientifique de la Fédération Française d'Aquariophilie

 

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